L’angélisme coutumier qui sert de colonne vertébrale à la Gauche en matière de sécurité

Voici le texte d’une de mes interventions dans le cadre du Conseil d’arrondissement du 2 mars 2015, à propos du débat organisé sur la communication relative au Contrat Parisien de Prévention et de Sécurité 2015-2020 (2015 DPP21).

ASVP« Merci Madame le maire. Mes chers collègues. Quelques remarques et suggestions suite à la lecture de ce rapport. Elles seront nécessairement globales puisque ce contrat fait 168 pages, comme Madame ATLAN-TAPIERO le rappelait.

Tout d’abord, il faut saluer ce mode d’organisation « contractuelle » des rapports établis entre le maire de Paris, le préfet de police, le rectorat, l’institution judiciaire, l’Etat en général. Ce choix ne va pas de soi car l’action publique est exercée traditionnellement, surtout en matière régalienne, dans le cadre et selon les formes fixées par la loi. Or, comme l’a rappelé Monsieur. BONNET, la Ville de Paris ne dispose que de compétences résiduelles en matière de police. Sauf que Monsieur. BONNET ne rappelle pas que cela est justifié par l’histoire et notamment les dérives terroristes de la première Commune de Paris en 1793. Toutefois, ces compétences ont été renforcées par une loi du 5 mars 2007, ce qui permet au maire d’avoir quelques marges de manœuvre. J’y reviendrai en fin d’intervention.

En tout état de cause, ce contrat permet à l’exécutif  et aux élus parisiens que nous sommes de pouvoir s’exprimer sur le sujet. Et je note dans le même esprit, ces deux points positifs :

  • L’association des 20 maires d’arrondissements à la phase d’élaboration de ce contrat – A défaut d’avoir
    été entendus, ils ont été écoutés.
  • La déclinaison du contrat parisien en Contrat de Prévention et de Sécurité d’Arrondissement (CSPSA).

Si je lis les indicateurs de l’Observatoire National de la Délinquance, cet outil paraît initialement efficace puisque lors de sa signature,  le 3 mars 2009, et jusqu’en 2012, la délinquance générale dans la commune avait diminué.

Seulement, il y a un an, ce même Observatoire a publié les chiffres pour 2013, qui ont montré une terrible et inquiétante augmentation (notamment des cambriolages d’habitations principales : +36,6% (quatre fois plus que la moyenne nationale) les vols sans violence : +12 %, les vols avec violence : +5,5 %).

Le dernier conseil de sécurité et de prévention de la délinquance d’arrondissement (CSPDA) auquel je participais comme élu d’opposition a malheureusement permis d’apprendre que cette hausse générale ne s’est pas démentie en 2014 : +5,5 % sur Paris.

Et la courbe d’évolution de la délinquance à Paris semble durablement s’inscrire à la hausse[1] :

  • + 20.000 faits de délinquance enregistrés, tous agrégats confondus ;
  • +9,5 % d’atteintes aux biens
  • +10,9 % de violences physiques non crapuleuses.

Certes le 12e, avec son 0,55 % d’augmentation, est plus calme que les autres arrondissements et, à ce titre, ne comporte pas de zones de sécurité prioritaires).

Pour revenir sur le CSPDA, un point avait positivement attiré mon attention à savoir le taux d’élucidation dans le 12e qui a progressé à 27,32 % (Il y a encore 2 auteurs d’infraction sur 3 qui ne sont pas identifiés). Mais, constatant cette hausse positive, j’avais interrogé sur ce point le commissaire qui avait confirmé sans détour les effets bénéfiques de la vidéo-protection. Et dire que c’est la seule mesure utile que vous n’avait cessé de critiquer durant la dernière campagne, préférant vous illusionner sur les effets de la prévention sociale…

Encore aujourd’hui, le contrat en cause reste faible sur les mesures de vidéoprotection à mettre en place.

Force est de constater que le contrat en débat reflète toujours cette idéologie laxiste qui donne la primauté à la prévention. L’intitulé du contrat comporte désormais cette mention : contrat parisien de prévention et de sécurité. Comme s’il n’allait pas de soi que la prévention, régime juridique de la police administrative, est un élément de la sécurité !

Tweet de Brahim, citoyen assistant au débat public du Conseil du 2 mars 2015

Tweet de Brahim, citoyen assistant au débat public du Conseil du 2 mars 2015

A la vérité, on voit bien qu’il s’agit là d’une notion différente, une prévention diffuse, que je qualifie de sociale, trop souvent mise en avant pour masquer l’impuissance des pouvoirs publics dans la répression des comportements antisociaux. Et en effet, en mettant l’accent de cette manière sur ladite prévention, pour en faire un pilier de l’action publique au sens large, au détriment du concept-même de sécurité, on crée les conditions d’une confusion de l’action publique, administrative et judiciaire, tant dans les objectifs que dans les moyens.

Ainsi, cette « prévention » passe désormais avant la sécurité, comme si elle était en elle-même un objectif à atteindre, alors que le seul, et vous le savez bien, est l’ordre public, dans toutes ses composantes !

Le plan du contrat traduit encore mieux ce renversement des priorités. En effet les 5 axes établis en 2009 n’ont pas été conservés.

Pour mémoire, l’axe 1 concernait la sécurité et la prévention de la délinquance, l’axe 2 l’aide aux victimes et l’accès au droit, l’axe 3 la lutte contre les drogues, l’axe 4 la lutte contre les dérives sectaires et l’axe 5 la lutte contre les violences conjugales et les violences faites aux femmes.

Aujourd’hui, il ne reste plus que 3 axes qui sont :

  • Prévenir la délinquance des jeunes[2];
  • Protéger les personnes vulnérables, lutter contre les violences faites aux femmes, les violences intrafamiliales et renforcer l’aide aux victimes ;
  • Améliorer la tranquillité publique

Ce plan démontre, à lui seul, et en dépit du discours martial du Premier ministre, l’angélisme coutumier qui sert de colonne vertébrale à la Gauche en matière de sécurité.

Outre que ce plan ne tient pas compte du bilan du contrat 2009-2015, il manifeste surtout une dilution des objectifs, et une faible correspondance de moyens, qui n’augurent, malheureusement, rien de bon, au vu des récentes et constantes aggravations en ce domaine, que je viens de rappeler.

Nous regrettons ainsi le rejet l’idée de créer d’un corps urbain de surveillance (ou « police municipale ») placé sous l’autorité de la Maire de Paris, formé des 3.000 agents de sécurité de la Mairie et des ASP pour lutter contre les délits relevant du contentieux de masse qui génère le sentiment d’insécurité (par exemple, les ventes à la sauvette, mendicité agressive, dégradations, occupation illicite de halls d’immeubles, comme vient de le rappeler ma collègue de droite [NDLR : Ophélie Rota, conseillère UDI).

Cela soulagerait efficacement les services de police et permettrait une présence accrue d’agents dans l’espace public, au contact des Parisiens, et ces agents ne seraient pas cantonnés à la verbalisation automobiliste et développeraient une action de surveillance à basse intensité.

Par ailleurs, en mettant l’accent sur des questions spécifiques (violences intrafamiliales, violences faites aux femmes), qui sont bien sûr légitime, le contrat laisse accroire que certains objectifs particuliers passeraient avant la sécurité de façon générale.

Dans les violences faites aux femmes c’est avant tout la violence qu’il faut réprimer. Cela passe par l’amélioration de l’accueil au commissariat et la multiplication des accueils d’urgence spécifiques.

A côté de cela, et alors que Paris a connu une vague d’attentats, relevant ainsi le niveau d’alerte, aucune fiche du contrat parisien de sécurité n’est spécifiquement consacrée au terrorisme…

Il y a encore beaucoup de chose à redire mais pour toutes ces raisons, si nous avions pu délibérer sur ce contrat, notre votre serait négatif.

 

 


[1] évolutions sur 12 mois glissants, entre janvier 2014 et janvier 2015

[2] belle stigmatisation d’une catégorie de la population, au passage, mais il est vrai que la rééducation est plus difficile à un âge avancé…

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