Mise à la fourrière à Paris, le grand détournement

Mon intervention lors du Conseil d’arrondissement du 30 juin 2014 en soutien du vœu relatif à la mise en régie de l’enlèvement et à la mise en fourrière des véhicules.
Photo prise le 5 septembre 2014 illustrant la proximité étonnante entre agents verbalisateurs et grutiers

Photo prise le 5 septembre 2014 illustrant la proximité étonnante entre agents verbalisateurs et grutiers

Ce vœu a vocation à sanctionner le dispositif encadrant l’enlèvement et la mise en fourrière des véhicules qui n’a plus exclusivement pour but l’amélioration des conditions de circulation et de stationnement dans Paris. Sachant qu’avec la raréfaction des places de stationnement en surface (moins 35% en 10 ans !), nombre d’automobilistes sont contraints de stationner de manière illicite.

L’organisation est aujourd’hui la suivante. Les quelque 2.000 agents de surveillance de Paris (sous l’autorité de la Préfecture de Police, mais rémunérés par la Ville). Il s’agit des ASP. Ils sont chargés de verbaliser les véhicules en stationnement abusif[1], ou gênant[2], ou encore dangereux[3] ; Sachant qu’à l’amende de 35 € voire 135 € s’il y a un stationnement dans les couloirs de bus ou gênant, s’ajoutent 126 € de frais d’enlèvement et 10 € de frais de garde par jour pour.

Ce sont des tarifs exorbitants mais ce qui nous choque, c’est l’organisation actuelle du marché des enlèvements qui conduit à des dérives inquiétantes :

  • Les prestataires sont rémunérés à la tâche, par véhicule enlevé. Ceci les incite à effectuer des cadences importantes pour maximiser leur profit – première grave incompatibilité avec le but d’une police administrative.
  • Comme si cela ne suffisait pas, les chauffeurs sont également intéressés au nombre de voitures enlevées, par un système de primes qui leur permet bien souvent de doubler leur salaire. Je demande : où est la mission de service public dans un tel système de maximisation des profits individuels ?

Ces graves incompatibilités avec l’objet et la finalité de la sanction ne sont possibles que parce que la municipalité ferme les yeux sur certains agissements intolérables, trop souvent répétés pour ne pas penser qu’ils puissent être couverts. Il est fréquent de voir des dépanneuses d’enlèvement griller des feux rouges, rouler dans les couloirs de bus ou à vitesse excessive.

Nous ne pouvons plus tolérer ce genre d’abus généré par ce but de maximisation du profit de la part des grutiers. Comment tolérer le fait que les ASP précèdent les véhicules au moment de leur enlèvement. Sitôt verbalisé, le véhicule est enlevé. Même s’il n’existe pas de délai fixé par la loi entre la verbalisation et l’enlèvement, c’est un principe établi de notre droit que la sanction ne doive pas être automatique. Une tolérance pourrait être appliquée dans bien des cas. Elle ne l’est pas, et pour cause ! Puisque les ASP accompagnent l’enlèvement des véhicules. Il y a une énorme incohérence.

Photo prise le 5 septembre 2014 illustrant la proximité étonnante entre agents verbalisateurs et grutiers

Photo prise le 5 septembre 2014 illustrant la proximité étonnante entre agents verbalisateurs et grutiers

De même, les enlèvements peuvent s’effectuer sous les yeux des propriétaires des véhicules, et malgré leurs explications, les privant ainsi de la possibilité de faire cesser immédiatement par eux-mêmes le trouble occasionné. Nous avons donc à faire véritablement à un système de sanction non seulement automatique mais disproportionné, ce qui à maints égards contrevient aux principes de notre droit.

Cette situation est difficilement supportable pour l’automobiliste contraint de circuler à Paris, dès lors qu’il a le sentiment que : non seulement tout est fait, dans la configuration du stationnement urbain, pour lui rendre la tâche plus pénible, mais qu’en outre la sanction semble répondre davantage à un impératif financier (pour l’Etat) et lucratif (pour les sociétés d’enlèvement), qu’à une régulation du stationnement équilibrée au profit de tous les Parisiens. En d’autres termes, on crée un mal pour mieux s’en nourrir !

En effet, tout se passe comme si les agents de surveillance de Paris travaillaient au profit des sociétés d’enlèvement de véhicules. Chacun y trouve son compte, le but étant de maximiser le profit pour les sociétés. Ainsi, quelques susciptions existent sur la proximité entre les chauffeurs de dépanneuse et les ASP chargés de la verbalisation, notamment pour qu’ils ciblent les quartiers autour des préfourrières.

Il est évident, quoi qu’il en soit, qu’une telle proximité dans l’accomplissement d’une mission de service public, à partir du moment où celle-ci même est détournée de sa finalité, par ce fameux système d’intéressement des acteurs privés, ne peut que faire naître de graves et légitimes suspicions.

Sans parler, pour finir, du fait que la cadence excessive des enlèvements conduit à ce que de nombreux véhicules soient endommagés pendant les opérations et la mise en fourrière, sans que la plupart du temps le propriétaire puisse obtenir réparation de cela, faute de preuve. Ces voies de faits sont bien évidemment scandaleuses, et la Mairie de Paris ferait bien d’y remédier.

C’est pourquoi selon nous la mise en régie est la seule solution qui s’impose pour revenir sur la convention passée entre les sociétés d’enlèvement de véhicules et la Ville. Nous demandons cela à la municipalité pour faire cesser cette situation qui porte atteinte à la transparence du service public et aux droits des Parisiens. Je vous remercie.


 

[1] plus de 7 jours au même endroit

[2] en-dehors des places matérialisées au sol

[3] c’est-à-dire gênant de surcroît la visibilité

Sur le même sujet :

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.