Bercy-Charenton : examen de la ZAC

Représentation de l’aménagement de la ZAC Bercy-Charenton issue de l’exposé des motif de la délibération 2018 DU 71

Le projet de Bercy-Charenton arrive à son épilogue politique. Le conseil d’arrondissement est appelé ce 18 juin 2018 a donner son avis sur différentes délibérations dont celle instaurant la ZAC éponyme et modifiant le plan local d’urabnisme (PLU) afin d’autoriser l’érection de tours de maximum 180 mètres.
Avant de reproduire mon intervention, il importe de préciser que le temps de parole est limité et que nous avons donc dû répartir notre temps de parole entre élus d’opposition.
Cet article comporte ci-après les prises de parole plus politiques de mes collègues Franck Margain et Corinne Tapiero et s’achève par la mienne. Notre chef de file, Valérie Montandon a défendu, quant-à-elle, notre position devant le conseil de Paris (voir ici).

Mme Corinne ATLAN-TAPIERO, Conseillère d’arrondissement :

« Nous aurions pu imaginer que, sur un tel projet, vous changeriez de méthode et de pratique. Nous aurions pu imaginer que le calendrier de présentation, qui s’est quelque peu accéléré, nous aurait permis de recevoir ces documents de travail bien avant les 5 jours habituels, mais non.

Nous aurions pu imaginer que le projet présenté inclurait une piscine réclamée tant dans l’enquête publique que par des vœux dans cette instance, mais non. Il a fallu que vous fassiez un vœu de confirmation de cet équipement, montrant que les arbitrages font fi des décisions et des demandes locales. Aucune trace, non plus, dans cette délibération du vœu adopté en séance sur l’échangeur de Bercy.

Nous aurions pu imaginer que cette dernière emprise foncière à Paris donne une véritable identité à un quartier et l’ouvre réellement sur le reste du 12e, mais non.

Entrée des tunnels Baron Le Roy (gare de la rapée inférieure)

Nous aurions pu imaginer que vous auriez eu à cœur de valoriser le patrimoine historique des tunnels Baron Leroy, que notre groupe n’a cessé de défendre malgré les railleries de l’exécutif et que vous avez fini par reprendre à votre compte, mais pas un mot.

Nousaurions pu imaginer que les grands défenseurs de la qualité environnementale exècrent les tours, mais non : vous faites en même temps de l’environnement et de la bétonisation à outrance avec des tours culminant à 180 mètres, des tours dont on sait par expérience le coût exorbitant d’entretien, sans parler de la moindre qualité de vie. Vous innovez dans cette délibération en nous parlant des ombres portées dans une seule direction. Serait-ce que le soleil ne tourne plus à l’est ?

Extrait d’un diaporama de présentation de tour en 2015

De même, les couloirs du vent se feraient plus dociles, et le bruit intérieur inhérent aux constructions n’existerait plus ?

Nous aurions pu imaginer que sur cette emprise, vous relèveriez les réserves de la commission en abandonnant l’objectif de 60% de logements sociaux pour les 50% préconisés, mais non. Avec quelques arguties, vous concédez 3%, créant ainsi un quartier à forte densité de population et de logements sociaux destiné, dites-vous, aux familles, en oubliant, à notre sens, les liens générationnels. En effet, aucune prévision de maison médicalisée pour les personnes plus âgées, aucun logement étudiant, pas de place de marché, pas de commissariat (à moins que vous ne songiez à rouvrir le commissariat de Bercy), pas de pompiers, mais peut-être que dans ce nouveau quartier dit « résilient », ce type de besoins n’existe pas.

Vous créez un quartier avec des écoles en annonçant dans une phrase un peu sibylline « deux écoles de 15 classes et une de 8 ». Doit-on comprendre 38 classes au total ou 23 ? Nul ne le sait. Vous prévoyez trois crèches : au regard de la population attendue, sera-ce suffisant ? Comment ces calibrages tant pour les écoles que pour les crèches ont-ils été réalisés ?

Parlons un instant du collège : dans l’exposé des motifs de la délibération DASCO 10-G, il est question d’un centre de tri. Pourtant, à la page 6 de la délibération DU 71, dans le chapitre PADD, il est noté que « la Bastille centre de tri est supprimée ». Quelle est la bonne version ? Y aura-t-il un centre de tri ou pas ? De la même manière, vous indiquez que vous attendez 9 000 habitants et 11 700 emplois. Mais dans une autre partie du document, il s’agit de 12 600 emplois. C’est vraiment mieux que l’inversion de la courbe du chômage !

Enfin, vous avez arrêté, après avoir tenu compte de la commission, les chiffres suivants : 270 000 m2 de logements, 210 000 m2 de bureaux. Or à la fin de l’exposé des motifs de la toujours fameuse délibération DU 71, il est confié à la Semapa 258 000 m2 de logements et 208 000 m2 de bureaux. Comment expliquez-vous ce différentiel ? Nous aurions pu imaginer sur cet exercice que nous aurions eu la présentation d’un projet concerté dans un bel esprit démocratique, mais nous comprenons que 2020, c’est demain et qu’il vous faille afficher vos promesses de mandature en matière de logement social. Mais malgré cette programmation, le compte n’y sera pas. Je vous remercie. »

(…)

M. Franck MARGAIN, Conseiller d’arrondissement :

Périmètre de la ZAC Bercy-Charenton et les sous-secteurs d’aménagement annexé à la délibération 2018 DU 71

« À la lecture de ce projet, je suis quelque peu déçu par le côté désuet de la vision d’aménagement : pas de couverture partielle des voies, construction de tours gigantesques, pas de transports en commun… Bref, un projet un peu 19e siècle.

Les tours : les Parisiens n’en veulent pas, ils vous le disent. Mais vous décidez, encore une fois, à leur place. Lorsque l’on voyage un peu à l’international, Paris trouve une partie de son originalité dans l’horizontalité. C’est elle qui est plébiscitée par les Parisiens ; c’est elle qui est voulue. Ne refaisons pas le débat mais je crois que vous devriez être à l’écoute des Parisiens.

Vous vous plaignez du fait que, dans chaque réunion publique, vous êtes tancés par un certain nombre d’électeurs et quelquefois d’élus à propos de la bétonisation toujours plus grande et de la densification toujours plus importante. Je vous le dis, les Parisiens vous le disent : Paris étouffe. Soyez à l’écoute.

Les Parisiens veulent des projets apaisants et de proximité. Ils ne veulent pas des tours que vous leur proposez. Dans ce projet, pas de transports en commun supplémentaires. Quelle est votre idée de l’attractivité de Paris ? Comment imaginez-vous avoir des bureaux qui soient plébiscités par des  investisseurs sans transports en commun ? Quel est le lien de ce projet avec la Métropole ? Quel est son lien avec les communes limitrophes hors Charenton ?

Les habitants du 12e arrondissement attendaient une  couverture partielle des voies, comme à Austerlitz ou à Montparnasse. Cette couverture partielle aurait été  possible grâce à un investissement du secteur privé qui aurait pu rentabiliser une opération plus ambitieuse,  plus moderne et moins haute. Mais là encore, c’est une vision très imprégnée des grands projets staliniens  que nous proposent ces tours d’un autre siècle, inhumaines, gigantesques et à contretemps. Le partenariat  public-privé aurait pu être une source d’un aménagement cohérent et aurait pu relier le Nord et le Sud de  l’arrondissement en supprimant cette coupure. Mais de projets public-privé, il n’en est rien ; de tours, il en est  question. Vous ne voulez rien entendre, ni les Parisiens, ni l’opposition.

En conclusion de ma contribution au débat, je vous dirai que ce projet pharaonique est déconnecté entièrement du souhait des habitants. Il n’y  a pas de concertation avec la Métropole et il n’existe pas de transports de commun dignes d’un projet  important dans notre arrondissement. Alors, je crie au secours. »

(…)

M. Matthieu SEINGIER, Conseiller d’arrondissement :

« Madame le Maire. Mes chers collègues, effectivement, il y a pile 10 ans, l’Apur évoquait ce territoire et voulait trouver un nouveau quartier qu’il appelait le « chaînon manquant ». Mais je crains, à la lecture de ce projet, que l’on soit plutôt devant un cadenas. Je partage la vision de mes collègues sur le manque d’esprit métropolitain des choses. Il est question de marquer l’entrée de Paris par des tours. Or le Paris de demain, c’est le Grand Paris. Et je trouve dommage de bloquer ainsi par des tours une entrée de Paris.

Je vais surtout faire des remarques techniques.

Vue de l’échangeur extraite du rapport de l’Apur de mai 2008

Tout d’abord, je vais évoquer le défaut de prise en compte de l’échangeur de Bercy. Nous en avons largement débattu dans cette enceinte. J’ai bien noté qu’au regard de notre vœu adopté à l’unanimité, un amendement en ce sens sera examiné au Conseil de Paris – j’espère qu’il sera voté.

Sur la gare de la Rapée inférieure, il est désormais acquis que sa structure sera sauvée, à l’exception d’une nef. En revanche, dans les documents techniques, la question des occupants actuels et la future destination de ce lieu restent floues. Le 6 novembre dernier, je vous avais posé deux questions précises. La première, qui est confirmée par ce dossier, est de savoir si l’appel à projets spécifique qui va être ouvert, va permettre de bloquer certaines choses dans le futur cahier des charges. Car, à la lecture des documents, on a l’impression qu’une grande liberté est laissée à l’aménageur. J’estime qu’il faudrait, dans le cahier des charges, imposer l’idée de l’identité, notamment du patrimoine ferroviaire propre au quartier, voire viticole, et exiger que les artisans puissent y rester. Je vous rejoins sur ce point, Monsieur BONNET : ce lieu doit être un lieu de création à Paris. Quelle que soit votre réponse, nous déposerons également un amendement en ce sens au Conseil de Paris. Sur le jardin supérieur, qui n’a pas été vraiment évoqué, ce projet peut être l’occasion de solliciter des artistes en leur imposant de mettre en avant des thèmes liés à l’identité du quartier.

S’agissant de l’énergie durable, il y a beaucoup d’annonces. Le Plan Climat, que nous avons voté, annonçait un puits géothermique à Bercy-Charenton. Mais celui-ci n’est plus du tout évoqué. Pourquoi ? Pourtant, ce puits d’énergie devrait permettre à une partie du quartier d’être autosuffisante en matière d’énergie.

S’agissant de la passerelle dite Nicolaï ou les pas japonais, il est indiqué qu’elle sera financée par « l’aménageur du 316 rue de Charenton ». Peut-être est-ce dû au caractère tardif de la réception des documents, mais nous ne voyons pas vraiment de qui il s’agit. J’ai cru comprendre qu’il s’agissait d’un aménagement d’espace public, mais nous n’avons pas beaucoup de détails. Donc, si vous pouviez nous éclairer sur ce point, nous vous en serions reconnaissants.

Projet de périmètre et liste d’équipements publiques (extrait du dossier soumis au vote)

S’agissant de la répartition des logements, vous ne serez pas surpris que j’en dise un mot : le fait qu’il n’y ait que 20% de logements en accession à la propriété sur un tel projet montre votre vision de l’avenir à Paris, à savoir un monde où seuls les très aisés et les très aidés pourront accéder à la location. Oui, 80% des  personnes y ont droit. Mais Monsieur BONNET expliquait à juste à titre que des travailleurs ne peuvent pas se loger à Paris. Effectivement, on n’attribue pas forcément ces logements aux travailleurs que vous citiez. Donc, l’accession à la propriété devait aussi être un enjeu social. J’ai devant moi un plan (IRIS) qui est régulièrement sur le bureau de Monsieur BROSSAT, qui présente le taux de logements sociaux SRU par quartier. En particulier, le quartier de Bercy compte déjà plus de 50% de logements sociaux, voire 60%. Donc, pourquoi encore créer des logements sociaux dans une telle proportion à cet endroit ? Je pense que vous ne respectez pas votre propre objectif PLH pour ce quartier. De plus, en les mettant dans des tours, je ne crains que l’on arrive au projet d’une « cité des 9 000 » (pour le nombre d’habitants envisagé). Là encore, nous ne pourrons pas faire autrement que de déposer un amendement pour augmenter le taux de logements privés au moins à 40% (mais nous pourrions le réduire à 30%). Sur la part restante, notre groupe sollicitera au Conseil de Paris une meilleure répartition en favorisant le logement étudiant, notamment. L’arrivée
de la Sorbonne à Picpus nous l’impose.

Sur les équipements publics, je ne vais pas revenir sur la question des écoles, commissariats et casernes. En revanche, le besoin en équipements sportifs semble rempli. Sur la piscine, nous voterons pour ce projet. Concernant la desserte en transports, j’ai bien noté votre rêve d’innovation : effectivement, cela peut être
l’occasion de développer les fameux véhicules autonomes. Mais malheureusement, cela ne suffira pas, vu le nombre d’employés pouvant travailler dans cette zone. Donc, la solution du RER D, d’une nouvelle station reste la plus pragmatique – nous la pousserons également. Je n’ai pas le temps d’aborder l’aspect financier, donc je vais conclure : comme tout projet et dessein d’envergure, il peut s’améliorer, il doit s’améliorer. Je
réserve mon vote pour tout à l’heure. »

Inutile de vous dire que nous n’avons pas eu de réponse à nos questions sur Bercy-Charenton, notamment celles concernant le financement de la passerelle Nicolaï ou du puit de géothermie.
Voici notre position de vote :
Mme BARATTI-ELBAZ, Maire du 12e arrondissement, Conseillère de Paris :

« Nous avons une pensée pour Madame MONTANDON qui n’est pas là pour de très bonnes raisons. Monsieur SEINGIER, pour une explication de vote ? »


M. Matthieu SEINGIER, Conseiller d’arrondissement :

« Elle va être très brève.

S’agissant du vœu relatif à la piscine, nous sommes favorables.

S’agissant du collège, qui est effectivement une exception métropolitaine, nous sommes favorables.

Sur le projet, nous n’étions pas contre la construction d’un 82e quartier à Paris. Je voudrais juste dire que selon les géographes, la densité dans le 12e arrondissement, est de 22 469 habitants/m². [NDLR : il s’agit d’une réaction à la défense de M. Missika qui expliquait qu’il n’y avait pas de densification]. »

Mme BARATTI-ELBAZ, Maire du 12e arrondissement, Conseillère de Paris :

« Et alors ? Il ne s’agit pas d’une deuxième intervention, Monsieur SEINGIER ! »

M. Matthieu SEINGIER, Conseiller d’arrondissement :

« Au vu de ce chiffre, en l’état actuel des choses, je pense que l’on peut encore se donner du temps pour reprendre ce dossier et envisager ce quartier non pas comme une porte majestueuse de Paris, comme en rêvent les architectes qui ont fait leur renom, certes à juste titre, mais au 20e siècle, et qui violent l’esprit horizontal de la ville-capitale. Nous allons donc voter contre, en l’état actuel du projet. »

Pour terminer, voici le résultat du vote :

Votants : 30 voix dont 4 pouvoirs :

  • Pour : 18 voix dont 2 pouvoirs :
    • 15 voix groupe Socialiste Radical et Citoyen dont 1 pouvoir
    • 03 voix groupe Communiste-Front de Gauche dont 1 pouvoir
  • Contre : 10 voix dont 2 pouvoirs :
    • 05 voix groupe Ecologiste
    • 05 voix groupe Les Républicains dont 2 pouvoirs
  • Abstention : 02 voix groupe UDI-MODEM

 

Délibération adoptée à la majorité absolue des suffrages exprimés.

Représentation de l’aménagement de la ZAC Bercy-Charenton issue de l’exposé des motif de la délibération 2018 DU 71

 

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